Au portail de l'Alliance

I
l y a trois pays dans sa vie. A 34 ans, il a exercé plus de métiers que beaucoup d'autres en toute une vie; dans le désordre: footballeur, bibliothécaire, chauffeur de camion, déchargeur de matériel de construction, assistant culturel, employé agricole, et aujourd'hui directeur de l'Alliance Franco-Comorienne de Mutsamudu à Anjouan, une des trois îles des Comores.

Malgré les apparences, il n'y a sûrement pas de hasard dans ce parcours inattendu. Il suffit de parler un moment avec Zoubert pour comprendre qu'il a les qualités de ceux qui avancent et qui tirent des leçons essentielles des expériences que la vie leur propose, parfois sans ménagement. Il parle de sa curiosité de tout, de sa volonté d'aller jusqu'au bout de ce qu'il commence.

C'est ainsi que le petit dernier d'une famille de sept enfants, pas vraiment promis aux études par la fortune, et dont le père a disparu trop tôt pour qu'il puisse dire: "je l'ai connu", a choisi de ne pas entrer dans la Légion étrangère, comme ses cinq frères, et de suivre un chemin moins tracé pour se retrouver aujourd'hui responsable d'une structure culturelle francophone.

Le français, il l'a appris grâce à la famille d'un copain français avec qui il partageait ses jeux de gamin, et qui prenait aussi des cours de soutien à la maison. Zoubert, en attendant l'heure d'aller se balader, en a profité: en peu de temps, il lit son premier bouquin "sans images": "Vingt mille lieues sous les mers". M. et Mme Audebert, avant de rentrer en France, inscrivent Zoubert à l'école francophone, en classe de CM1.

Aujourd'hui, Zoubert parle aussi de son beau-frère, qui l'a poussé à aller étudier à Madagascar après le bac au lieu d'entrer dans l'armée, et à oser mettre dans son sac ses chaussures de foot, même si le niveau du championnat malgache lui semblait terrifiant. Grâce au foot, et au camion qu'il a conduit dans tous les coins de la Grande Île tous les week-ends, Zoubert a pu payer ses études.

 








E
ntré à l'Alliance française d'Anjouan comme bibliothécaire, Zoubert en est le directeur depuis 1998. Il est fier de son bilan, de la rénovation des locaux et de l'amélioration de l'équipement qu'il y a menées, de la confiance qu'on lui manifeste. Mais plus que tout, il est heureux d'avoir réussi à faire de ce lieu celui de la jeunesse de l'île, qui le connaît et le fréquente.

"J'aime bien me poster devant le portail pour voir les jeunes de l'île entrer et sortir de l'Alliance. Ils viennent prendre des cours, consulter et emprunter des ouvrages à la bibliothèque, jouer au basket, répéter un spectacle, voir un film, etc..."

Le stage du Belc, c'est pour Zoubert l'occasion de prendre du recul, de relancer les projets, de nouer des contacts, de "souffler" un peu après des mois de travail intensif [le stage du Belc, des vacances?!]. Pour la première partie du stage, il a choisi les modules Méthodes et Activités pour adolescents et adultes et Grammaire et descriptions linguistiques.

Heureux, Zoubert? A cette question, il fait la moue". Je n'aime pas beaucoup ce mot...Il y a bien pire comme situation..." Y a-t-il une idée ou un message important à ses yeux? "Ne pense jamais: ce n'est pas pour moi".

> Rédigé par Eric Cotro